Histoire du roman noir, les racines
21 mai 2010 christophe siébert
Les racines du roman noir, style littéraire.
Il est possible de remonter loin. Jusqu'au roman gothique du dix-neuvième siècle. Et même se dire qu'Oedipus Rex, la tragédie de Sophocle, est le prototype du roman noir.
Dans la foulée d'un tel raisonnement il n'y a plus qu'à ouvrir un grand sac, y fourrer Dostoïevski, Hemingway, les Mystères de Paris et secouer un grand coup. Pour autant ni Chandler ni Hammet n'en sortiront.
Noir
De toutes les causes engendrant le roman noir aucune n'est d'ordre littéraire. Le roman noir n'est ni la continuation d'une école ni le travail d'intellectuels ou d'esthètes. Mêmes si intellectuels et esthètes s'en empareront très tôt.
Non, les causes sont techniques, historiques et sociales.
La diffusion en masse de la chose imprimée d'abord, qui rendra possible une littérature bon marché et populaire.L'échec des révolutions ensuite. Marxisme, anarchisme, toutes les utopies se prennent le retour de bâton de la crise de 29. L'occident sombre dans la corruption, la pauvreté, la violence ; il commence de fabriquer les conditions de la seconde guerre mondiale et du nazisme ; il entre dans une dépression tenace. .
La
mort de Dieu enfin, abondamment théorisée depuis. Le capitalisme comme
seul horizon. Le nihilisme matérialiste et le désespoir qui en
découlent. L'idée que la vie est bornée, que l'éternité était un
mensonge et que la mort ruine tout. Le sentiment que durant ce bref
moment appelé la vie les chances de se marrer un coup sont proches de
zéro et que c'est de la faute des politiciens, des flics, des hommes
d'affaire et du crime organisé. Les cendres des dernières révolutions
sont encore tièdes et la réalité de la répression encore sous les yeux.
Plus personne n'envisage l'action directe. Il est davantage question de
trouver du boulot, de nourrir sa famille, de courber l'échine.
Une telle situation produit une frustration terrible. Cette frustration demande d'être compensée.
Voilà ce que le vingtième siècle apporte. Des héros sans peur, des histoires violentes et sexy où la mort et le danger rodent et où le bien triomphe.
Ce siècle offre aux masses écrasées et vaincues Rouletabille, Superman et même James Bond.
Et ce siècle apporte également, comme un contre-exemple, le roman noir.
Le roman noir est une littérature populaire qui entend décrire sans détourner les yeux, sans enjoliver, sans mentir, le monde dans lequel il éclot. La fonction du roman noir n'est pas de détourner le lecteur des problèmes réels mais de le distraire en utilisant les problèmes réels comme matériau de base.
L'enjeu du roman noir est de produire une fiction populaire qui parle de la violence, de la corruption, du chômage, du crime organisé et de l'impossibilité faite à l'homme de la rue d'obtenir les conditions matérielles d'une vie agréable. L'idée du roman noir est de dépeindre des individus qui observent cette crasse et de temps à autres se dressent, avec héroïsme mais sans illusion, et tentent à la petite cuillère de nettoyer les écuries d'Augias.
La beauté du roman noir est de montrer dans le même moment la réussite ponctuelle de ces individus (c'est sa fonction compensatoire) et l'échec de leur geste (c'est sa fonction réaliste). Sa beauté, et sa tristesse, c'est de montrer la jouissance qu'il y a à abattre un flic corrompu et de montrer dans le même mouvement que celui qui fait ça mourra à son tour et que son geste ne changera rien à la corruption généralisée.
Sa beauté et sa poésie, c'est de montrer qu'il est possible de démanteler un réseau de drogue et de rendre plus propre une portion de la ville cependant qu'ailleurs dans la ville, la drogue est toujours là et les enfants meurent toujours.
C'est pour cela qu'il faut aimer le roman noir.
Dans une prochaine causerie, il sera question plus précisément du contenu propre à ce genre.
. http://polar.suite101.fr/article.cfm/histoire-du-roman-noir-1.
Une telle situation produit une frustration terrible. Cette frustration demande d'être compensée.
La compensation viendra de la fiction.
Là voilà la nouveauté.Voilà ce que le vingtième siècle apporte. Des héros sans peur, des histoires violentes et sexy où la mort et le danger rodent et où le bien triomphe.
Ce siècle offre aux masses écrasées et vaincues Rouletabille, Superman et même James Bond.
Et ce siècle apporte également, comme un contre-exemple, le roman noir.
Le roman noir est une littérature populaire qui entend décrire sans détourner les yeux, sans enjoliver, sans mentir, le monde dans lequel il éclot. La fonction du roman noir n'est pas de détourner le lecteur des problèmes réels mais de le distraire en utilisant les problèmes réels comme matériau de base.
L'enjeu du roman noir est de produire une fiction populaire qui parle de la violence, de la corruption, du chômage, du crime organisé et de l'impossibilité faite à l'homme de la rue d'obtenir les conditions matérielles d'une vie agréable. L'idée du roman noir est de dépeindre des individus qui observent cette crasse et de temps à autres se dressent, avec héroïsme mais sans illusion, et tentent à la petite cuillère de nettoyer les écuries d'Augias.
La beauté du roman noir est de montrer dans le même moment la réussite ponctuelle de ces individus (c'est sa fonction compensatoire) et l'échec de leur geste (c'est sa fonction réaliste). Sa beauté, et sa tristesse, c'est de montrer la jouissance qu'il y a à abattre un flic corrompu et de montrer dans le même mouvement que celui qui fait ça mourra à son tour et que son geste ne changera rien à la corruption généralisée.
Sa beauté et sa poésie, c'est de montrer qu'il est possible de démanteler un réseau de drogue et de rendre plus propre une portion de la ville cependant qu'ailleurs dans la ville, la drogue est toujours là et les enfants meurent toujours.
C'est pour cela qu'il faut aimer le roman noir.
Dans une prochaine causerie, il sera question plus précisément du contenu propre à ce genre.
. http://polar.suite101.fr/article.cfm/histoire-du-roman-noir-1.