La Ligne de Tir
Editions Le Passage.
" ...C'est un roman original, facétieux dans sa facture. Pas le sujet, qui est plutôt grave. L'habit est « policier », mais c'est juste une forme qui déplie une histoire selon les codes du genre... "
" Du temps où je relisais des manuscrits
(non ça ne fait pas si longtemps. Le facteur hasard m'en a apporté un
dont il était évident qu'il serait publié (c'est rare). Il a été publié.
Le 18 mai « sort » le roman suivant du même auteur, Thierry Brun,
Aux éditions Le Passage, titre : "La ligne de tir".
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C'est un roman original, facétieux dans sa facture. Pas le sujet, qui est plutôt grave. L'habit est « policier », mais c'est juste une forme qui déplie une histoire selon les codes du genre (et encore, le narrateur, qui au fond n'est jamais celui qu'on croit, tantôt cameraman, tantôt instance narrative classique, tantôt relayé par un personnage qui tire toutes les ficelles - observer le narrateur ça mange déjà une lecture complète ! – joue énormément avec les codes.
L'histoire est ramassée dans la vie, elle s'appuie sur des références historiques (scènes inspirées d'Action directe, des guerres en RDCongo, en Serbie, des mafias ordinaires…). Mais si les scènes sont réalistes, « visuelles », il n'y a pas de reconstitution, ce n'est pas le sujet.
Le sujet est dans la doublure de l'histoire : une quête méthodique et implacable de l'humain derrière les comportements auxquels les usages sociaux réduisent les êtres et même souvent la conscience qu'ils ont d'eux-mêmes.
Ce roman perce ses personnages pour aller aux pulsions, aux logiques "primitives" qui nourrissent les motivations des actes et des rêves, une traque des lieux intimes de la personne où se gravent les expériences, et une réflexion sur ce qu'elles déterminent ensuite dans la vie. Dans la ligne de Bachelard quand il dit : "Toutes les grandes forces humaines, même lorsqu'elles se déploient extérieurement, sont imaginées, forgées dans une intimité."
Remontées ainsi à leurs sources, les violences, les amours, les forces et les faiblesses sont entières, brutes - et non sauvages - sinon par métaphore, car c'est bien de l'humain qu'il s'agit. Comme dans les récits mythologiques.
En ce sens, je le classerais dans les romans d'apprentissage. Un de ces romans qui (mots de Char sur la poésie) « révèle à ses lecteurs ce qu'ils ne savent pas d'eux ».
Une construction en speed, des choix behaviouristes dans l'écriture, qui parfois, entre les salves de mots, étire les phrases dans un lyrisme orphique, des personnages qui se débattent dans leurs ombres et pénombres, une action principale tendue au cordeau, et jamais les choses ne se passent comme prévu. Un chouette roman.
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Marie Christine Poncet. Le Point Fr.
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