Thriller. Photographies de morts.
"... 1945, sur l'île de Jersey. La guerre est finie, mais le mari de Grace n'est pas revenu du front. Elle élève seule ses deux enfants dans une grande maison, plongée dans l'obscurité. Son fils et sa fille souffrent d'une maladie rare, et la lumière peut les tuer.
Parallèlement à l'intrusion de trois domestiques venus de nulle part, la jeune femme ne va pas tarder à découvrir que d'autres visiteurs – des fantômes ? – menacent la tranquillité de la demeure.
Il y a dans Les Autres une très belle scène – presque barthésienne – dans laquelle Nicole Kidman (Grace) contemple avec effroi et fascination un album de photographies de morts posant une dernière fois devant l'objectif. Le fantôme est un vestige d'humanité, une trace visuelle, une image persistante, une enveloppe qui survit à son corps d'accueil.
C'est donc par essence un vrai personnage de cinéma, et les spectres ont depuis toujours accompagné cet art dans son évolution technique et esthétique, des ombres vampiriques de l'expressionnisme aux ectoplasmes numériques de Final Fantasy. Mais, pour paraphraser Bresson, le cinéma est déjà un trucage, et ajouter un trucage à un autre trucage est une redondance destructrice.
Devant cette escalade technologique, certains cinéastes ont retenu la puissance évocatrice des corps, le poids des fantômes. Puisque les nouvelles images brillent par leur inconsistance, pourquoi ne pas rendre à ces corps fantomatiques une densité moins paradoxale qu'il n'y paraît ? ...Contrairement aux titres précédemment cités Les Autres tourne le dos aux oripeaux de la modernité, puise dans le folklore du film de fantômes (écouter l'utilisation impressionnante du son) et lorgne volontairement vers une forme cinématographique davantage passéiste que classique et une tradition littéraire féconde : les histoires de maisons hantées.
Si Les Autres part d'un scénario original (écrit par le cinéaste, également auteur de la musique), le film fait inévitablement penser à un classique de la littérature, Le Tour d'écrou d'Henry James adapté au cinéma par Jack Clayton sous le titre Les Innocents en 1961, un beau film anglais un peu guindé, défaut auquel Les Autres échappe comme par miracle. Même passéisme des costumes et des décors, même héroïne blonde (rousse ?) sévère et tourmentée (Nicole Kidman remplace Deborah Kerr).
http://www.arte.tv/sites/fr/olivierpere/2012/11/07/les-autresdalejandro-amenabar/
Mais le film trouve son autonomie et parvient à faire du neuf avec du vieux, à ressusciter l'espace de quelques plans tout un patrimoine du cinéma fantastique pour accoucher d'une proposition de cinéma originale et personnelle. Une idée très forte justifie à elle seule le film : l'obscurité, moteur horrifique de tant de films, devient ici la condition du salut des enfants malades et de leur mère protectrice..."
- Découvrir le nouveau roman de Thierry Brun. Editions Le Passage. La Ligne de Tir : Révélation.
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