The Walking Dead
"...L'adaptation en série télévisée de The Walking Dead, un comic book à succès de Robert Kirkman, avait tout pour réussir : la visibilité d'une trame narrative au long cours, l'absence quasi totale de zombies à la télévision, la confiance d'un diffuseur en pleine ascension (AMC, la chaîne de Mad Men et de Breaking Bad) et l'énorme attente d'un public prêt à passer le mot sur Internet.
http://feuilletons.blogs.liberation.fr/series/2012/02/the-walking-dead-un-succes-en-trompe-l-oeil.html
Une attente satisfaite au-delà de toute espérance, puisque la série vient encore de battre son propre record en attirant 8,1 millions de téléspectateurs pour son épisode de reprise de la saison 2, diffusé dimanche dernier sur AMC. Les deux mois et demi d'attente n'ont semble-t-il pas atténué la faim de fans de plus en plus nombreux au rendez-vous.
Pourtant, du rififi en interne est venu ternir l'image de la success story (Frank Darabont, l'initiateur du projet, a été écarté du comic book à la série télévisée
La question rituelle à laquelle on ne peut échapper, quand il s'agit d'adapter une œuvre originale, est de savoir s'il faut y rester fidèle ou s'en éloigner pour trouver sa propre identité. La série The Walking Dead opte pour une solution mixte : « On va s'éloigner du chemin tracé par Robert Kirkman, et développer d'autres idées au fur et à mesure », déclare Frank Darabont. « Mais on rejoindra toujours la trame narrative initiale, car elle est excellente »..."
"...La série n'hésite d'ailleurs pas à coller au visuel de certaines planches du comic book, ni à calquer le physique de ses acteurs principaux sur celui de leur personnage conçu par Tony Moore puis, dès le numéro 7, par un Charlie Adlard au trait plus sombre. Le héros, Rick Grimes, est à l'image de celui imaginé par Robert Kirkman au début de sa descente aux enfers : idéaliste, en proie au doute et à la confusion, prêt à tout pour protéger les siens.
En fin connaisseur du matériau d'origine, Frank Darabont décèle parfois le potentiel d'une allusion anecdotique d'un personnage, ou d'une brève apparition d'un objet secondaire au détour d'une planche, pour développer une scène toute entière. Ainsi la femme de Morgan Jones, qui héberge Rick après sa sortie de l'hôpital au début de la série, est-elle seulement évoquée dans le comic book, alors qu'elle figure parmi les hordes de zombies qui traînent dans la rue d'en face dans la version de Darabont (l'idée n'est cependant pas nouvelle, puisqu'elle figurait déjà dans le classique d'épouvante de l'écrivain Richard Matheson, I Am Legend, publié en 1954)..."
"...Et son héros désabusé de s'escrimer, à la fin du numéro 24 : « Les morts-vivants, c'est nous »… Vous l'aurez compris, même si le comic book ne s'affranchit pas de scènes d'action parfois spectaculaires, l'ennemi est le plus souvent à l'intérieur. Une ligne directrice que respecte à la lettre la version télévisée, extrêmement bavarde et peu encline à la surenchère de gore...."
Résister n'est pas créer.
"Le succès de la série de bande dessinée Walking Dead et la place de plus en plus grande que prennent les fictions mettant en scène des zombies dans un univers post-apocalyptique sont très certainement le signe d'une inquiétude grandissante face aux évolutions catastrophiques de notre époque. Mais n'est-il pas également possible de rendre compte de ce succès en lisant cette série comme la mise en scène d'une expérimentation politique, comme la mise au jour des tensions et des contradictions dont est porteuse la double injonction qui nous est faite d'à la fois créer et résister ?"
"...Si chaque époque traduit dans les oeuvres apocalyptiques de son temps les angoisses du moment – guerre atomique mondiale dans l'après-guerre, crise écologique dans les années 1980, etc. (voir encadré) –, ce qui frappe particulièrement depuis les années 2000, c'est le nombre croissant de films, romans ou bandes dessinées où l'origine de la catastrophe n'est soit pas connue, soit de peu d'importance ; c'est le cas de Walking Dead.
L'enjeu ne semble plus seulement, comme dans les années 1960 à 1990, d'alerter le public sur des dérèglements qui leur sont contemporains pour éventuellement provoquer une prise de conscience et des changements politiques avant qu'il ne soit trop tard – version populaire du « catastrophisme éclairé » de Jean-Pierre Dupuy ou de « l'heuristique de la peur » de Hans Jonas. Dans Walking Dead ou le film The Postman (1997), les héros sont déjà dans l'après de la catastrophe :
on y voit les ressorts que développent les personnages pour y survivre, leur difficulté à changer, à s'adapter aux changements nécessaires dans ce nouveau monde. Le sujet n'est pas seulement l'angoisse de la catastrophe qui vient. Le public n'est pas seulement invité à changer son mode de vie, ou la politique des nations pour éviter la catastrophe.
http://www.revuedeslivres.fr/resister-n%E2%80%99est-pas-creer-pour-une-analyse-theologico-politique-de-walking-dead-par-veronique-dubarry-et-stephane-lavignotte/
Ces oeuvres semblent être le reflet de l'angoisse des contemporains pressés de toute part depuis trente ans de changer, dans des sens contradictoires : s'adapter à la nouvelle donne ultra-flexible du néolibéralisme, aux conversions de modes de vie, de structures et de valeurs qu'impose la crise écologique, aux mises en cause des dominations traditionnelle..."
- Découvrir le nouveau roman de Thierry Brun. Editions Le Passage. La Ligne de Tir : Révélation.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire