1945. Du Polar américain. Raymond Queneau :
«
L'attention de l'auteur et du lecteur n'est plus portée sur l'intrigue,
mais sur les personnages qui dessinent cette énigme [...]. La brutalité et l'érotisme ont remplacé les savantes déductions. Le détective ne ramasse plus de cendres de cigarette, mais écrase le nez des témoins à coups de talon.
Les bandits sont parfaitement immondes, sadiques et lâches, et toutes
les femmes ont des jambes splendides ; elles sont perfides et
traîtresses et non moins cruelles que les messieurs. »
La transformation :
«
En plus de ces campagnes de promotion autrefois propres à la
littérature « classique », le management des collections de polar se
modifie : fusion des collections, mise en avant du packaging
de la collection (on peut donner l'exemple de « La Série noire » qui,
sous l'influence de Patrick Raynal décide en 2001 de modifier la
couverture noire sans illustration pour une photo en pleine couverture
et un agrandissement de format), recherche du « héros récurrent » (Pepe
Carvalho, Fabio Montale) ou des auteurs vedettes (Mary Higgins Clark,
James Ellroy, Ellis Peters…)…
" Sur ce dernier facteur, on remarque le parallèle entre la littérature « classique » et le polar : on achète désormais un « Daeninckx »
comme on achèterait un roman de littérature « blanche », d'où
l'importance pour les maisons d'édition de composer leur catalogue avec
ces auteurs « locomotives » qui confortent le statut d'auteur, pièce maîtresse de la littérature « légitime ».
« Cette mise en avant des auteurs,
par le biais de pages web qui leur sont consacrées, d'interviews,
permet d'associer au genre du polar la figure de l'écrivain, du
créateur, propre à la littérature « blanche ». Ces stratégies
s'inscrivent en résonance avec un travail d'anticipation de la réception.
De nombreuses études ont été réalisées sur les lecteurs de polar, un
genre qui, par sa singularité, intrigue les éditeurs. Ainsi les maisons
d'édition réalisent des questionnaires auprès de leurs
lecteurs et mettent souvent en place un cahier des charges précis des
éléments nécessaires au succès d'un « bon » polar. »
« JC Grangé est devenu un auteur de référence en matière de thriller made in France grâce à un processus commercial qui a insisté, notamment lors de la sortie de L'Empire des loups (2003) sur les avis des critiques américains sur le livre.
De plus, les maisons d'édition sont entrées dans un double processus de segmentation
(multiplication des sous-genres) et d'hybridation (brouillage des
frontières entre les sous genres). La segmentation permet de retrouver
trois « grands » secteurs : le monde du noir, le polar historique et le
thriller. »
« Le
roman noir ou néo-polar marque, comme nous l'avons expliqué
précédemment, le milieu éditorial à partir des années 70. De son père
fondateur (Manchette) à ses successeurs (Daeninckx, Jonquet, Fajardie,
Pouy…), il est composé de facteurs essentiels : la description et la dénonciation de la réalité sociale,
un ton sombre et simple..." "....la recherche des motifs (souvent
d'origine sociale) du meurtre ou de l'acte de violence et enfin des
règles implicites concernant les personnages - souvent à la marge et
consommateurs de produits illicites- les lieux et la présence
quasi-obligatoire de la violence sous toutes ses formes. »
"
Le roman noir connaît ses plus grands succès dans les années 70-80 mais
il sera vite concurrencé par d'autres nouveaux sous-genres tels que le
polar historique. »
« Enfin, le dernier sous-genre est le thriller
(en anglais, « ce qui fait frissonner »). Genre difficile à définir, il
peut être cependant caractérisé par certaines spécificités. Il se
rapproche notamment du roman d'épouvante (on peut penser à Stephen King)
et met souvent en scène une menace imminente, qu'il
s'agisse d'un tueur en série ou d'un complot terroriste. De ce fait, il
est, tout comme le roman noir, très ancré dans la réalité, mais une
réalité plus « technique », centrée par exemple sur des techniques de la
police scientifique ou bien plus en rapport avec l'actualité politique internationale."
« De plus, les thrillers sont écrits dans un style particulier, caractérisé par une grande vitesse narrative,
d'où l'expression «page turner » qui désigne des livres qui tiennent
tellement en haleine que le lecteur ne réussit plus à les fermer. Ce
sous-genre dont la définition est floue et qui englobe donc des auteurs
totalement opposés crée la confusion au sein des
maisons d'édition : entre thrillers « féminins » (les Mary Higgins Clark
ou Patricia Cornwell) et les thrillers « masculins », la différence est
de poids..."
Les poles.
« Le premier pôle est appelé le « pôle gestionnaire commercial ».
Ici, les objectifs de concurrence et les contraintes commerciales sont
intégrés par la collection qui va tenter de prendre en compte ce qu'elle
perçoit comme les exigences de son lectorat. Ainsi, elle met en avant ses auteurs de best-sellers ou ses chiffres de ventes faramineux."
"De
ce fait, elle possède un catalogue d'auteurs et de titres
impressionnants et importe de nombreux auteurs. « Le Masque », « Laffont
» et « Albin Michel » entrent dans cette catégorie."
Le deuxième pôle est le « pôle académique légitime » : il est consacré par le biais de prix littéraires et l'aval de la critique.
Il est doté d'un capital symbolique fort et peut donc cibler ses «
coups de promotion » sur un auteur particulier, reconnu par tous.
Souvent, les directeurs de ces collections sont d'anciens auteurs ou des
professionnels du milieu policier. Il s'agit des collections «
Gallimard, Série Noire », « Rivages » ou « 10/18 ».
L'étude
ici :
http://doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyberdocs/MFE2007/gadiollet_e/pdf/gadiollet_e.pdf
" Enfin, le dernier pôle est le « pôle des entrants innovateurs » : ces collections ont de l'ambition et jouent sur des succès commerciaux et une certaine reconnaissance par les instances de consécration légitimes.
Cependant, elles insistent sur l'aspect intellectuel de leurs choix
d'auteurs, revendiquant une place pour la littérature policière au même
titre que la littérature « blanche ». On peut citer « Viviane Hamy » ou « L'Atalante »
- Découvrir le nouveau roman de Thierry Brun. Editions Le Passage. La Ligne de Tir : Révélation.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire